Les soixante-seize jours de Marie-Antoinette à la Conciergerie,
Tome 2 :
Un procès en infamie (Actes Sud, octobre 2006)
Commentaire de l'auteur
Tous les rêves que nourrissaient les Français à l’aube de la Révolution se sont évanouis. Ils voulaient la Liberté dans un régime démocratique, ils ont hérité d’une dictature, ils voulaient l’Egalité, ils ne l’ont obtenu qu’en apparence, ils voulaient la Fraternité, ils connaissent la délation, ils voulaient la paix, ils ont la guerre, ils voulaient le bien-être civil, ils subissent la Terreur, ils voulaient une Justice démocratique, ils ont hérité d’un tribunal civil d’exception et de la peine de mort. Ils voulaient manger à leur faim, ils connaissent la famine. Les paysans qui voulaient être libérés des contraintes de l’Ancien Régime subissent la démagogique loi du Maximum qui les empêche de vendre leur blé au simple prix de revient. En outre, elle a détruit le commerce des grains et entraîné la ruine des boulangers.
La bourgeoisie qui était l’aile marchante de cette Révolution a perdu le pouvoir. Elle est poursuivie et spoliée. Les ouvriers voient leurs salaires bloqués. Les nobles libéraux et les bourgeois qui ont été les artisans du changement sont persécutés ou se sont enfuis. La plupart des anciens députés de l’Assemblée Constituante qui inaugurèrent la démocratie ont quitté le pays, ceux qui restent sont arrêtés ou guillotinés. La monarchie constitutionnelle disparaît avec la suppression de la Constitution de 1791. On la remplace par celle de 1793 qui ne sera jamais appliquée. Les finances de la France se délitent : l’assignat est si dévalué qu’il faut imposer son cours forcé. On espérait être dirigés par des hommes intègres ? La Municipalité de Paris et une partie de la Montagne, avec Chabot, sont achetées par le baron de Batz. La presse est aux mains de démagogues comme Hébert, le nauséeux rédacteur du «Père Duchesne».
La folie meurtrière des hommes au pouvoir ne connaît plus de limites. La Convention terrorisée, vote toutes les lois que réclame Robespierre. Même les plus sanguinaires. C’est d’abord la «Loi des suspects» : on est arrête sur une simple dénonciation. On saisira leurs biens comme le prévoient les «décrets de Ventôse». On prépare la promulgation des terribles «lois de prairial» que le peuple appellera «les lois de sang». Elles n’accorderont plus aucune garantie juridique. Plus d’instruction avant le procès, plus de témoin à décharge, plus de défense ni d’avocat, plus de recours en appel ou en cassation, une seule condamnation possible : la mort. Le pouvoir s’arrogera le droit de designer les jurés, les juges, les témoins et même les avocats. Les verdicts seront arrêtés à l’avance.
On guillotine les généraux vaincus, ceux qui sont victorieux deviennent suspects. Les prisons de la République regorgent de malheureux qui attendent d’être guillotinés. A Paris Fouquier-Tinville en décapitera 60 par jour. On guillotinera des vieillards, des adolescents de 17 ans, des femmes enceintes….
Face à tous ces excès, la résistance s’organise autour du baron de Batz. Il décide de contrer les chefs révolutionnaires qui usent de la Terreur en les couvrant d’or. Il aurait en outre fait assassiné le conventionnel Lepeletier de Saint Fargeau, un ancien noble qui a voté la mort de Roi pour promouvoir le duc d’Orléans. Nous verrons qu'en réalité c'est Robespierre qui commendita ce crime. Il a déjà acheté les députés les plus en vue de la Montagne comme Chabot, ainsi que toute la Municipalité de Paris avec Pache, le maire, et ses substituts Chaumette et Basire jusqu’à Hébert à qui il fournit un million pour ramener la Reine au Temple. Par le canal du Chevalier de Rougeville, de Batz a acheté la plupart des responsables de la Conciergerie, comme les époux Richard, l’administrateur des prisons Michonis, jusqu’aux deux gendarmes qui gardaient la Reine, Gilbert et Dufresne.
De Batz a monté un complot visant à libérer Marie-Antoinette, ce fut la Conjuration de l’Oeillet. Le chevalier de Rougeville pénétra à l’intérieur du cachot et jeta deux œillets porteurs d’un plan d’évasion. Malheureusement la servante Harel, un mouton de Fouquier-Tinville avec la complicité du gendarme Gilbert acheté à prix d’or, ont fait échouer la tentative d’évasion.
Rougeville se venge en ridiculisant les chefs révolutionnaires. Il remet en mains propres à Robespierre, Fouquier-Tinville et Amar, tous les détails de cette conjuration avant de s’enfuir à l’étranger.
De Batz ne se tient pas pour battu. Il a déjà prévu un plan de rechange. Avec l’aide des perruquiers Jean Baptiste Basset, Guillaume Lemille et sa jeune épouse Elisabeth, il monte une très vaste opération militaire pour s’emparer de la Reine par la force : c’est le Complot des Perruquiers.
Seulement Marie-Antoinette est gravement malade et ses jours sont comptés. Robespierre qui le sait veut la maintenir en vie jusqu’à son procès pour la traduire devant le Tribunal révolutionnaire. Comme il est impossible de la traiter correctement à la Conciergerie, il demandera son transfert à l’Hospice national de l’Archevêché, véritable hospice-prison, où les condamnés sont traités pour leur permettre de monter à l’échafaud.
L’infirmière chef de cet établissement, la citoyenne Guyot avec la complicité du docteur Giraud, projette de la faire évader lors de son hospitalisation. Avec l’appui du baron de Batz, ils chargent Elisabeth Lemille, déguisée en infirmière, de coordonner son évasion...
Dans ce volume, je me suis attaché à décrire le terrible procès de Marie-Antoinette par les hommes de la Terreur. Il y avait quelque chose de romain dans les réponses qu’elle fit à ses détracteurs. On avait l’impression qu’elle ne s’adressait pas seulement au prétoire qui la jugeait, mais au delà….
À jeun durant plus de 26 heures de débats, épuisée par ses hémorragies, la Reine trouve encore la force morale pour défendre des valeurs comme l’honneur, l’amour maternel, la dignité, la fidélité en amitié, la reconnaissance envers ceux qui l’ont aidé et même le pardon à ses bourreaux qui va jusqu’à la compassion. Même si c’est au nom d’un régime suranné, comme la monarchie absolue, ces valeurs restent les nôtres parce qu’elles sont universelles.
Marie-Antoinette, dans le message à ses enfants, s’adresse aussi à nous à travers les siècles …En avait-elle conscience ? Peut-être. Se sentant ainsi investie, on comprendrait mieux son héroïque comportement. Dans cette lettre sublime adressée quelques heures avant de mourir à sa belle-sœur Elisabeth, la Reine s’adresse à nous à travers le temps.
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