Lauréat de l'Académie française

…C’était le 6 juin 2006. Mon épouse étant malade, nous avions décidé d’aller respirer l’air unique de Quiberon. A trois heures de l’après midi le téléphone sonne :


- Allo ? Monsieur Belaiche-Daninos ?
- oui.
- Ne quittez pas monsieur Nourissier vous parle.
- Allo Palou ? C’est François, tu es couronné par l’Académie Française, Tu as le Grand prix Jacques de Fouchier avec une donation de 20.000 euros !
-Tu plaisantes ?
- Bravo mon vieux, pour un coup d’essai…


Plus tard monsieur Laurent Person, secrétaire de l’Académie me précisera que ce grand prix me sera remis sous la Coupole le 30 novembre 2006 à l’occasion de la rentrée de l’Académie française.


Il existe des moments étranges dans la vie, le fait de se savoir élu, vous procure la sensation de l’immense labilité de la vie. Pourquoi moi ?  D’accord mon livre n’est pas mal, mais je connais des écrivains talentueux qui n’obtiennent rien et qui restent dans l’ombre toute leur vie….Alors quoi ? Le hasard ? …en partie, mais aussi l’effort et les circonstances. Mon livre m’a coûté 5 ans de travail acharné et sort au moment où le film de Sofia Coppola inonde le marché. On ne parle que de Marie-Antoinette.


Pourquoi fallait-il que je débute le manuscrit 5 ans auparavant pour tomber pile à ce moment-là ? Je crois en la chance, il sort près de 1000 livres par an et le mien a retenu l’attention de L’Académie. La chance a joué à tous les niveaux. Voilà l’histoire de ce roman :

Sylvie Vartan que je connais depuis plus de 40 ans, est l’amie fraternelle de ma femme. C’est elle qui me l’a présentée, il ya bientôt 25 ans. Sylvie est mariée à Tony Scotti, un américain de grande renommée, propriétaire d’une maison d’édition de musique et de télévision.   

- Puisque tu connais bien le cinéma et l’Histoire, me dit-il, pourrais-tu écrire 4 fois une heure et demie pour la télévision américaine ?...Ici on adore Marie-Antoinette.


C’était demander à un aveugle s’il voulait voir ! Je me mets au travail, fait le siège de la Bibliothèque Nationale de la rue de Richelieu et deux ans après je lui remets un scénario complet sur la Reine. Tony fait faire une étude financière et là patatra : le projet est ruineux ! …On abandonne…


Que faire de cette masse de travail ? Je fais lire mon ouvrage à François Nourissier qui était mon voisin à Mènerbes.
- C’est curieux, me dit-il, cela ne ressemble à rien ! En tous les cas ce n’est pas un scénario et ce n’est pas un roman non plus.
Ecœuré, je me proposais de tout mettre à la poubelle.
- Surtout pas, me dit-il, c’est très visuel, tu vas le transformer en un roman historique façon 2006.
- C'est-à-dire ?
- Tu garderas le coté visuel et dialogué, mais je ne te vois pas écrire la vie entière de Marie-Antoinette, d’autres l’on fait merveilleusement, tu n’es pas Stefan Zweig. Tu vas faire quelque chose qui n’a jamais été fait, ce sont les 76 jours qu’elle a passé dans son cachot à la Conciergerie !
-Mais il n’ya pas de quoi faire un roman !
-Tu te trompes, c’est l’histoire du Tribunal révolutionnaire et de toutes les horreurs qu’elle a subies. Tu feras aussi son procès qui n’a jamais été traité à fond.


Il avait raison, La B.N. regorge de documents. Encore trois ans et mon roman est terminé. Je me retrouve avec 1200 pages ! je coupe le manuscrit en deux et vais le présenter à Albin Michel. Sur les instances de François Nourissier, c’est Sylvie Genevoix qui me reçoit. je comprends aussitôt que je n’ai aucune chance, deux pavés et encore Marie-Antoinette… Poliment elle me demande de revenir 15 jours après pour finir par décliner mon offre. Je me précipite alors chez mon ami Robert Laffont, ce grand seigneur de l’édition française. J’ai toujours éprouvé pour cet homme une admiration profonde. je ne l’avais pas revu depuis ma retraite dans le Luberon. Toujours aussi beau, toujours aussi content, toujours aussi chaleureux. Si le terme de gentleman peut être attribué sans exagération à quelqu’un, c’est bien à lui.

- Je suis pratiquement à la retraite me dit-il, mais ma fille Anne sera peut-être intéressée pour sa nouvelle boite d’édition. Quelques jours plus tard, il me dit que c’est trop lourd pour elle, et il y a trop d’ouvrages sur Marie-antoinette.


Me voilà de nouveau déprimé. J’ai la chance d’avoir comme amie, une grande dame qui habite Saint-Rémy de Provence. C’est Jane Stuart, l’épouse de James Stuart , fils de la prestigieuse famille royale d’Écosse. Jane est une Américaine très cultivée qui a l’habitude de mettre sur une longue table tous les livres qu’elle lit. Quand on passe au salon on défile obligatoirement devant tous ces titres et comme elle avait aimé mon manuscrit elle l’avait mis bien en évidence avec les autres.

Passe alors un autre grand éditeur Hubert Nyssen. il est intrigué par le titre "Les 76 jours de Marie-Antoinette à la Conciergerie" et l’emporte chez lui pour le lire…et là les événements heureux s’enchaînent. Encore le hasard fait que quelques jours après nous nous retrouvons dans un déjeuner. Il me demande aussitôt si j’avais signé avec Albin Michel ?... Il me propose alors de déjeuner chez lui le samedi suivant. Je m’y rends le cœur battant, sa femme Christine, la traductrice officielle de Paul Auster, nous avait préparé un bon repas et aussitôt après nous montons dans son bureau, et là j’ai le choc.  Une vraie tanière d’écrivain : des livres et des papiers partout, une atmosphère douillette de silence et de réflexion. Le cabinet de Victor Hugo... Je suis assis   face à un homme, qui a crée Actes Sud cette prestigieuse maison d’édition qui est sans doute devenue la première pour la qualité des textes. Nyssen, qui est aussi écrivain à succès, a réalisé son rêve, être éditeur et écrivain à la fois. Il me dit qu’il est intéressé par le manuscrit mais que c’est sa fille Françoise et son gendre Jean-paul Capitani qui dirige maintenant la boîte. Il v a leur transmettre le manuscrit, si Jean-Paul est d’accord on édite, la réponse dans huit jours ! J’ai passé les huit jours les plus durs de ma vie.


Jean-Paul me téléphone enfin,
-je vous envoie un contrat…..
Quand le livre sort, la presse est élogieuse, le livre démarre aussitôt. Gérard Collard, le pape des libraires,  qui fait une émission télévisée très regardée est dithyrambique :
- C’est le meilleur roman historique des dix dernières années !
Les ventes s’envolent, au bout d’un an il passe dans la collection de poche d’Actes Sud, la prestigieuse collection Babel, ou je me retrouve avec Berberova et Paul Auster….


Maintenant revenons à notre sujet. Nous sommes le 30 novembre 2006. L’Académie Française distribue ses Grands Prix. 

Je suis convoqué à trois heures. Aucun retard n’est permis. J’arrive le cœur battant quai Conti. Ma femme Michèle m’accompagne ; je suis reçu par monsieur Laurent Person, le secrétaire de l’Académie. Je me présente, il me dit aussitôt – J’ai adoré votre roman ! Il nous désigne deux places sous la coupole. Tous les candidats chanceux sont autour de moi. ….Trois heures sonnent !...Roulement de tambours…La Garde républicaine rend les honneurs sabre au clair. Arrive Madame Carrère d’Encausse,  secrétaire perpétuel de l’Académie Française, puis Pierre Nora qui préside la séance, et le Professeur Pouliquen chargé de lire le palmarès. Surviennent les 40 Académiciens….Quel choc de les voir arriver en habit décorations, la légende vivante… Le professeur Pouliquen appelle les couronnés. J’entends mon nom, je me lève pour écouter son compliment et là je vois quelque chose que je n’oublierai jamais : les 40 académiciens m’applaudir.


En sortant un cocktail est offert, un Académicien me dit : n’oubliez pas qu’à partir d’aujourd’hui vous êtes lauréat de l’Académie française, c’est un titre que vous garderez toute votre vie…

 

   
 
   
   
   
 
   
   
   
 
   
   
   
 
   
   
   
 
   
   
   
 
   
   
   
 
   
   
   
 
   
   
   
   
   
   
   

 

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